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GASPARD

firmiers demandaient : « Vous, où est votre blessure ? »

Gaspard n’aimait pas cette question. Il aurait voulu dire : « J’ai eu le cœur emporté. » Ce n’était que la fesse. Alors, il répondit, brutal :

— J’en sais pus rien. R’gardez-y voir.

Le gros homme qui l’avait interrogé machinalement se trouva suffoqué par ce ton rudoyeur. C’était un papetier de la ville, ambulancier volontaire, aigri et pointilleux. Il prit mal la riposte et répliqua :

— En voilà des manières !… Si on avait beaucoup de soldats comme vous !… Ah ! ce n’est pas étonnant que les Allemands soient à Compiègne !… Je m’explique, maintenant, que les Allemands. …

— Quoi ? De quoi ? fit Gaspard. À Compiègne ?… Qué Compiègne ?

Il prenait les camarades à témoins, et eux le regardaient, ahuris. Depuis un mois ils ne savaient rien que ceci : qu’on tenait la moitié de l’Alsace, qu’on avançait en Belgique, et que les Russes avaient promis d’être à Berlin pour le 1er octobre. Alors, Compiègne ?… Comment Compiègne ?… Gaspard souffla au boueux : « L’est piqué ! » Mais le papetier continuait :

— Parfaitement, Compiègne !… Et ça recommence comme en 70 !… Mais qu’on nous envoie,