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GASPARD

miques sous des képis drôlement juchés, qui donnaient des airs de fantoches à ces humains si pitoyables.

Quand la charrette s’arrêta, ils étaient devant une église de village, et on entendait des ordres : « Descendez. Que tout le monde descende. Entrez là. On ne prendra le train qu’au jour. »

En passant le portail de l’église, Gaspard dit :

— Ça y est : c’est l’enterrement.

L’église était déjà pleine de blessés, couchés sur les dalles ou sur les bancs ; et la lune… la lune était là, elle aussi, — car depuis la veille la voûte s’était effondrée sous un obus, en sorte que le toit c’était maintenant le ciel, si lumineux par la nuit qu’il faisait.

Il y avait, pourtant, dans cette église, des coins d’une ombre épaisse, d’où s’échappaient des gémissements. La lune, si brillante, devait paraître odieuse à ces malheureux. Ils avaient fui sa clarté pâle ; ils s’étaient tassés sur les bas-côtés. — Le curé, talonné par une vieille, bancale, y circulait, une chandelle à la main. Il posait la chandelle à ses pieds, puis distribuait des morceaux de sucre, tandis que la vieille, qui tenait un broc, versait en tremblant de l’eau rougie dans les quarts.

Gaspard, debout, contre un pilier, but, et mangea du sucre ; puis, à quatre pattes, afin de