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GASPARD

j’sais c’que j’sais. Pis, si j’avais su, j’serais pas v’nu dans l’infanterie.

— Où fussiez-vous allé ? reprit la même voix.

— Où que j’fusserais allé ? Dans les aréos ! J’aurais fait une demande pour les aréos… Et, ça, alors, ça m’plairait, parce qu’on peut leur cracher d’ssus !

— On parle beaucoup ici ; un peu de silence !

— Tiens, v’là l’aut’charcutier… dit Gaspard.

C’était le major. Il reprit :

— Combien y en a-t-il là-dedans, qui ne peuvent pas marcher ?

Il fit son compte. Puis il appela :

— Une voiture par ici.

— Bath, ça ! murmura Gaspard. On va enfin s’balader aux frais de la princesse. C’est qu’j’ai quèque chose dans les ripatons.

Sa bonne humeur était revenue, brusquement ; mais il fut déçu par le genre de véhicule, où on l’engagea à se hisser : trois planches sur des essieux, avec deux mauvaises ridelles, entre quoi l’on avait tassé trois centimètres d’une paille vieille et toute émiettée. Deux hommes pouvaient s’allonger là ; on y empila la demi-douzaine, et c’étaient des cris, des jurements :

— Fais donc attention à ma jambe, s’pèce de pied !

— Ta jambe. Moi c’est deux jambes.