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Burette gémissait sans interruption. Un petit major venait justement de voir sa blessure. Gaspard le rattrapa, anxieux :

— Lequel ? dit le major. Ce pauvre là-bas ? Perdu !

— Vrai… alors c’est vrai ? fit Gaspard. Ah, c’te guerre !…

Il revint vers Burette. Il se pencha sur lui.

— Vieux, t’en fais pas ! Paraît qu’c’est rien.

— M’en vais, Gaspard… m’en vais…

— Des blagues… quoi, sans blague…

— Écoute, Gaspard… J’ai fait ce que je devais… Oh ! je souffre !… Ah !… Ah ! mon Dieu !… Tu diras à ma petite femme…

— Mais parle donc pas, p’tit : ça t’étouffe…

— Tu lui diras… que je suis mort… en pensant à elle.

— Copain… mon copain… T’y diras ça toi-même… j’veux dire… aie pas peur ; va, tu la r’verras.

Burette avait déjà tes mains froides et son haleine était comme une brume glacée.

Le major revenait, suivi de deux brancardiers.

— Enlevez cet homme-là, doucement, pour l’ambulance.

— Oui… Oh !… Oh ! doucement, soupira Burette. Gas… Gaspard… mets-moi, dis, sur le brancard.