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GASPARD

et on voyait dans la nuit luire les yeux agrandis des hommes qui pressaient le pas, comme s’ils avaient hâte de se sauver de cet infernal pays.

Le premier soin de Gaspard fut d’aller se mettre sous une fontaine, où s’écrasaient un cent de soldats. Mais il avait de l’autorité, de la voix, de la décision, et il eut bientôt les bras et la tête sous l’eau. Puis, rafraîchi, soufflant, s’ébrouant, il cria à tous les coins :

— Un major !… Où qu’y a un major ?

Il en trouva trois, qui, sur le seuil d’une grange, pansaient, bandaient, coupaient et disaient :

— C’est effarant ! effarant ! Si on continue comme ça, il n’y aura plus personne dans deux jours !

— Y a des chances ! fit Gaspard.

— Qui est-ce qui vous parle ? Taisez-vous donc ! firent les majors.

Il reprit :

— M’ taire ? Pourquoi que j’ me tairais ?… J’en ai-t-il pas dans la fesse ! J’ai l’ droit d’ causer. Pis c’est pas pour moi que j’ cause, c’est pour Burette, mon copain, parfaitement mon copain, qu’a une balle dans l’ ventre, et m’ faut une voiture !

— Une voiture ! Voyez donc les brancardiers, et foutez-nous la paix !

Il partit, indigné. Mais alors, avec les brancar-