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GASPARD

Et il revint sur ses pas pour chercher Burette. Il le trouva quinze mètres en arrière, à genoux, immobile, en arrêt, bouche ouverte, les yeux fixes. Gaspard lui tapa l’épaule. Burette s’écroula.

— Bon Dieu ! fit Gaspard.

La chanson des balles, fine et perfide, lui étourdissait les oreilles. Il se pencha sur son ami.

— Ben, qu’est-ce t’as ? dit Gaspard avec un rire nerveux.

— Ah !… Ah ! soupira Burette.

— T’en as r’çu d’aut’? Où ça ?

— Ah !… refit Burette. Là…

Il montrait son ventre et il se roulait par terre comme un homme que ses forces abandonnent.

— Les sales brutes ! dit Gaspard.

Il le déboutonna, ouvrit la chemise, et d’un ton qu’il s’efforçait de rendre guilleret :

— Mais t’as rien, mon poteau, c’est rien, c’est une tite fente de rien.

— Je suis foutu, balbutia simplement Burette.

— T’es pas marteau… Allonge-toi là… Tu me r’connais bien… j’ suis Gaspard, j’ te quitte pas ; on va s’arranger tous les deux, quoi, on est copains, des bons copains.

— Je suis foutu…

— Allons, nous tape pas su l’ système !

Un obus toucha terre à trois mètres d’eux . Gaspard dit :