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GASPARD

« Touché ! » comme on fait à l’escrime, et Gaspard répondit d’une voix furieuse :

— Moi itou ! Cré cochons !

La douleur le fit pâlir et presque maigrir sur place. Il chancela, mais sa volonté le redressa et il dit encore :

— J’en ai… voui, j’en ai, mais les morceaux sont bons.

Il tenait sa fesse. Atteint à la fesse ! Cette idée le désespéra tout de suite. À la fesse !… Il en cracha de dégoût. Et comme, sous une nouvelle pluie de mitraille, Burette criait : « À plat ventre, Gaspard, à plat ventre ! », il reprit : « Fous-moi la paix. J’en veux par devant, na ! »

Il n’en eut pas. Il continua de marcher, mais lorsque, avec peine, au sifflement d’un obus, il recommença de s’aplatir, ses yeux cherchèrent Burette et ne le trouvèrent plus. L’avoine était haute. Burette pouvait être invisible. Il appela :

— Eh ! poteau ?… T’es-t-il là, Burette ?

Pas de réponse. Il dressa la tête ; il se mit sur les genoux ; il se releva.

— Burette !… Ben voyons, l’ camarade ed combat !

Il achevait sa phrase : une balle traversa le dessus de son képi, lui ébranlant la tête. Il fit :

— Ah, la rosse !… Heureusement qu’ ma mère ell’ m’a pas fait plus grand !