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GASPARD

— D’ la belle viande comme ça !… S’pèce d’huître ! J’aimerais mieux qu’un cochon soit mon parrain !

Et il faisait, et il leur faisait faire des bonds de cent mètres en pleine avoine.

Hélas ! Il se produisit tout à coup ce que les hommes ne s’expliquent jamais dans une bataille, où tant de forces sont mêlées, et où chacun ne voit que l’action si mince du petit groupe dans lequel il se bat. Un arrêt, puis un recul ; une bousculade, une panique ; et le cœur des plus forts se trouble et s’effare, et on est entraîné, emporté comme par un flot qui monte : c’est la « fuite » ! D’où vient-elle ? De qui ? Quel est le danger ? On ne sait. On voit des faces affolées : on s’affole ; des bouches crient : on crie ; des hommes se sauvent : on se sauve. Mais… quand on est un « Parigot » de la rue de la Gaîté, on ne tarde pas quand même à retrouver ses esprits. L’énorme bon sens dont on est pétri ressurgit plus mâle que la déroute, et c’est ainsi que parmi la débandade on vit Gaspard s’arrêter net, et crier d’une voix de tonnerre :

— Où qu’ils vont ? Où qu’ils s’ débinent ?… Tas d’abrutis ! Mais qu’est-ce qu’ils ont ?…

L’éclatement formidable d’un obus le jeta par terre. Il disparut dans une nuée noire. Burette sentit son cœur faire un bond. Il appela :