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GASPARD

obus comme dans le grand tintamarre de Paris ; et Gaspard remarquait : « Qué chahut ! C’est comme la Foire du Trône ! »

On se couchait, on se relevait sur un geste du capitaine qui, lui, restait toujours debout, carte et jumelle en mains, tenant sa compagnie, la soutenant, la maintenant, la contenant, pas pressé, pas ému, pas tragique, mais superbe dans son acceptation paisible d’une réalité qui devenait effrayante. La ferraille en effet semblait tomber plus drue, resserrant son cercle sur cette poignée d’hommes, dont Gaspard faisait rebondir les courages par un mot :

— Nous-z’aura !… Z’aura pas !… Ah, les tourtes !… Les sales gourdes ! Faire qu’ ça d’puis quarante ans, et v’là comment qu’ ça tire !

On approuvait ; il y avait des rires ; et la joie de ne pas être touchés redressait les hommes d’un coup.

Le plus curieux, — et ils n’y songeaient pas encore, — c’était de ne pas voir d’Allemands. Voyait-on d’ailleurs les Français ? Ce n’était pas la bataille serrée, où les troupes s’entremêlent. Ce devait être un immense combat avec des régiments étalés sur plusieurs kilomètres, en face d’un ennemi lointain, qui « canardait » par-dessus des collines et des bois.

Mais l’homme est étrangement souple. Aux