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GASPARD

Ils se levèrent. Puis Gaspard, les mains aux poches, reprit, l’air naturel :

— Oh !… en v’là du raffut !.. Qu’est qu’ c’est encore que c’ boniment-là ?

— Ce n’est pas un boniment ! fit le sergent. Elle savait même le mot : « Marceau ». C’est terrible, au fond, de voir ça… Et quand on l’a arrêtée, elle a ouvert son corsage, puis allez donc : deux pigeons se sont envolés d’un coup !

Ils répétaient machinalement : « D’un coup ?… » et ils roulaient des yeux ronds.

— Ah ! tenez, vous m’agacez, fit le sergent, vous ne comprenez même pas ce qu’on vous explique. Repioncez. Je dirai au capitaine que vous êtes deux idiots !

Et il fila. Alors, eux se recouchèrent lentement dans le fossé, et quand ils furent nez à nez, l’un contre l’autre, Burette fit tout bas :

— Mais… dis donc, c’est effrayant, cette histoire-là.

Et Gaspard qui avait à la fois de la peur et du dégoût, reprit sur le même ton.

— C’t à vous faire tourner vot’ lait en eau de Javel… J’en suis comme deux ronds d’ flan… Pis l’autre frère qu’a même pas vu nos bobines !… Ah ! c’te veine, poteau, c’te veine qu’on a !… La guerre… ma vieille… ça m’a l’air d’un drôle ed’ fourbi arabe !