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GASPARD

leur émotion. Ils dirent à leurs successeurs : « Ayez l’œil, les poteaux : il passe ici des p’tites femmes bath !… Ah ! pis mon vieux, bien balancées ! … Des petits seins ronds qu’ ça fait plaisir ! »

Ils rentrèrent aux avant-postes, à la fois joyeux et pleins de regrets.

Là, rien à faire. Les hommes ronflaient dans un fossé. Ils s’endormirent aussi. Quand soudain le sergent les éveilla, les secouant aux épaules :

— Hé là !… Le capitaine vous demande.

— L’ piston ? Il nous rase… Qu’est-ce qu’il veut ?

— Il parait qu’il y a une histoire d’espionne ; une femme qu’on vient de pincer. Vous n’avez pas vu une femme, vous autres ?… Une femme gentille, à ce qu’on dit, qui cachait deux pigeons voyageurs dans sa poitrine. Et on ne remarquait rien. Elle avait l’air seulement d’une petite femme bien faite.

Le sergent parlait d’une voix nerveuse. Cette première histoire de la guerre lui excitait l’imagination, et les deux autres, qui se frottaient les yeux, l’écoutaient, stupides et effarés. Gaspard balbutia :

— Mais… comment qu’ c’est qu’elle était ?

— Je n’en sais rien. Je ne l’ai pas vue. Vous, l’avez-vous vue ?