une seconde, il a dans les doigts deux objets au lieu d’un : il n’y a plus qu’à crier au « secours ! » … ou à faire stopper l’usine. Ce serait trop de chance ! Je me voyais, me sentais ouvrier : il faut imaginer pour comprendre. Mais quand on comprend, comment vivre en société ? La société ne survit que par l’inconscience. Ce Lévi-Prune est inconscient.
On ne peut pas dire pourtant qu’il plastronne. Sa vanité reste légère, elle a presque de la grâce, mais comme elle est sa raison de vivre, il en vit, il l’étale. Cette troisième usine lui donnait un plaisir encore plus vif que les deux autres : c’est qu’on y joint les pièces qui arrivent fabriquées, et la voiture y apparaît. Une voiture terminée, toutes les cinq minutes ! Alors, mon Lévi-Prune fit un heureux sourire de prestidigitateur
— Vous allez voir la fin, comme c’est amusant !
Joujou ! Toujours joujou !
Il me montra les bains de vernis, où les châssis disparaissent, pour sortir éclatants, l’arrivée des roues, qui tombent du ciel, se rejoignent, se montent toutes seules ; puis, dès qu’elles sont fixées, vite de l’eau, de l’essence, et on essaye ! Première, deuxième, troisième vitesse ! Du même coup, il me montra les hommes qui faisaient l’essai, les tableaux lumineux marquant les résultats.