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25 mai 1937.

Chère amie, pourvu qu’en voyant mon écriture, vous ne disiez pas : « Encore lui ! » Si je vous écris, c’est qu’il y a du nouveau dans mes sentiments.

Ma dernière lettre vous exprimait mon désarroi. Je l’ai fermée dans la nuit ; j’étais brisé de fatigue. J’ai dormi ; au réveil, je me suis trouvé frais comme le matin lui-même ! Pourquoi ? Ah ! grand mystère que le corps ! Je l’éprouve depuis longtemps ; l’esprit marche ou divague, selon que le corps le nourrit ou l’empoisonne. Sans compter l’air, les grands courants du monde, et les astres et Dieu ! J’ai toujours rêvé, quand je me sentais mal, de convoquer ensemble un médecin, un astronome et un théologien, pour qu’à eux trois ils posent les principes d’une science désirable… et impossible ! Ce matin-là, j’étais bien. J’ai couru à ma fenêtre et poussé mes volets.

Mais… il faut que je vous dise où je me trouve dans Paris. « L’hôtel… » ce n’est pas une adresse… Je suis à l’endroit le plus beau,