Page:René Benjamin - Chronique d’un temps troublé, 1938.djvu/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

France, n’est pas en train de sombrer ? On parle toujours de révolution. Allons ! Il faudrait de la force ! Moi, c’est la décadence que je vois. Quand on est dans son lit tout seul, et non dans le monde, où les usages exigent qu’on pense faux en parlant de travers, peut-on croire raisonnablement que la France vaut mieux que ceux qui la mènent ? En quoi ? Pourquoi ? Les principes sont établis, et les constitutions sont là, qui affirment que les hommes sont égaux ; donc plus d’élite ! On appelait élite ceux qui valaient mieux, mais si tout se vaut !… Ce n’est pas la masse qui a décrété cela ; ce sont les philosophes, au XVIIIe siècle. Et leurs successeurs au XIXe siècle furent pires. La France est un pays de professeurs, qui instruisent des ouvriers. Si vous préférez les troupeaux aux maîtres d’école, et les pâtres aux mécaniciens, faites-vous Suisse… ou fumez l’opium : seul moyen pour rester Français sans périr d’inquiétude. Les gens vraiment cultivés en France deviennent un anachronisme ; les gens courageux en France sont des isolés ; et les gens qui discernent encore la vérité en France sont des phénomènes, au sens qu’on donnait à ce mot dans les foires, il y a vingt ans. Quand la France à l’air de subir un gouvernement composé de primaires, d’hommes sans cœur, d’esprits faux, elle est dans son ensemble parfaitement représentée : regardez