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L’ÉDUCATION DES PARENTS

concentrer sa réflexion sur les maladies de l’estomac, sans se mettre à en souffrir lui-même. Je crains qu’il n’en soit de même de la fonction créatrice. C’est Dante, messieurs, qui a dit : « L’œuvre sacrée de la Nature doit être enveloppée de la pudeur, du silence et de l’ombre. » Et il y a dans Plutarque, quand il raconte la vie de Caton, un passage émouvant. Il dit que devant son jeune fils, celui-ci mettait à s’exprimer plus de prudence et de délicatesse que devant les Vestales !

Ce trait n’enchanta que moi, mais déçut la salle, qui se mit à murmurer : « Caton !… Plutarque !… Le monde a marché depuis ! Il y a d’autres nécessités sociales ! » Les abbés haussaient les épaules, les mères les regardaient en soupirant. Le jeune Suisse fut intimidé. Pourtant, il eut le courage de poursuivre, et de conseiller, au lieu d’une initiation physique dangereuse, l’éducation de l’âme, pour qu’elle fût de taille à résister aux tentations.

— Ce qu’il faut apprendre au jeune homme, dit-il, c’est à devenir un chevalier, à avoir le respect de soi et des autres, à être maître de lui devant les dangers, parmi lesquels le danger sexuel. Enfin, fit-il en souriant, je crois… que la méthode indirecte est préférable à l’autre…

Des rires lui répondirent, et bien directs,