de vrais besoins. Soudain, je m’enthousiasme pour des saints, des héros ; puis je n’en rencontre pas, et je verse dans l’anarchie. J’ai le mépris des hommes, mais ne peux me passer d’eux. Enfin tout me sollicite, parce que tout « m’intéresse » ! Ce qui me donne, quand je le constate, des nausées sur moi-même. Et c’est ce dégoût qui m’a débarrassé de ce que je possédais. J’ai fait table rase, enfin ! Pourquoi garder des livres ? Il y a les bibliothèques ! Et des meubles ? En dehors d’un lit, tout est superflu. La naissance, l’amour, la mort, l’essentiel se passe dans un lit. Le reste aussi doit s’y passer. J’ai un lit ; je vous écris de ce lit. C’est dans ce lit, qu’après avoir cru faire peau neuve, après m’être senti un homme rajeuni, prêt à l’action, je viens de m’apercevoir que j’étais aussi démuni, désaxé, désolé, qu’entre ma femme et mes oranges ! Hélène, il est trois heures du matin : je n’ai pas fermé l’œil ; mes couvertures m’étouffent ; j’ai jeté mon oreiller dans la chambre, et je me demande si j’aime encore Paris… la France… la vie !
Paris… où je suis né, où j’ai tant vécu ! Pendant quarante ans, j’ai dit avec des étrangers ou des provinciaux qui en rêvaient : « Ah ! oui… Paris !… » et je faisais un sourire heureux, quand on m’énumérait des plaisirs que j’ignore et des beautés que je n’ai pas vues. Mais tout de même, pendant