Page:René Benjamin - Chronique d’un temps troublé, 1938.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
183
JEUNESSE !

forte et bruyante. J’aime la grâce des propos légers : elle est oratoire, et d’une éloquence interminable.

Quoique le sujet ne m’amuse guère, puisqu’elle était déguisée en cheftaine, je crus bon de lui parler de son rôle. Elle me dit, les yeux au ciel :

— J’ai la plus belle des vies !… Et j’espère, que quand Thierry reviendra, vous me le confierez !

J’ai répondu en souriant :

— Il faudrait au moins que je sache… ce que tu lui apprendras.

— Je lui apprendrai, fit-elle en dressant la tête, d’abord le don de soi !

Ces quatre petits mots trop vite prononcés, me firent un étrange effet. Je ne comprenais pas bien.

— Nous ferons pour lui, reprit-elle, ce que nous faisons pour tous : l’éducation du dévouement, du courage, de la pureté !

— Mazette ! dis-je, quel programme !

Elle ne vit dans ce propos que de l’admiration, et se mettant à prêcher, poursuivit :

— Il faut d’abord que l’enfant soit gai, qu’il s’habitue à sourire, même avec le cœur triste. Je leur dis souvent : « Faisons de l’allégresse… pour les autres, avec tous les débris de nos bonheurs et de nos rêves ! »

Je la regardais ; je baissai les yeux ; elle