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CHRONIQUE D’UN TEMPS TROUBLÉ

plaisir à regarder M. Rimmermann. Il était gonflé de conviction, et je croyais voir autour de lui les fantômes de Kant, de Hegel, de Nietzsche, de tous les philosophes « profonds »… qui ont empoisonné l’univers.

Je l’aimais aussi, quand il disait : « Être national-socialiste, c’est difficile ! Il y faut un grand mouvement de foi, une révolution du cœur ! » Mais cet aveu ne le satisfaisait pas ; il ajoutait vite :

— Je suis devenu national-socialiste par instinct. Je le suis resté par raisonnement.

Toujours la pensée, plus respectable que tout ! La pensée, pas les intellectuels ! Le régime est dressé contre eux. Le premier qu’on ait brimé, c’est bien Herr Professor, l’homme qui ne s’aère pas, qui n’est pas dans la vie, dont la pensée manque de simplicité. Pour agir il faut penser simplement. Telle est la thèse de M. Rimmermann, ce petit homme vif et tout heureux, quand il affirme que maintenant les classes sont unies grâce à des pensées simples, qu’il existe un esprit de communauté dans l’exploitation, qu’on a institué des « conseils de confiance » pour approfondir la confiance mutuelle, avec des « curateurs du travail » qui vérifient si elle s’approfondit.

Ce travail, on en a prôné partout la noblesse ; on ne cesse d’en développer le goût. Toute l’Allemagne à présent se lève avec