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ALLEMAGNE

rassure les faibles ; la supériorité les trouble. Ils s’absorbaient tous sur la date, le nom du peintre, puis passaient.

Ils passaient, sortaient, et à deux pas du musée trouvaient l’occasion d’épanouir leur nature, que la vraie grandeur venait d’embarrasser.

Au bout de la place Royale, vaste et nue, se trouvent deux « Temples de l’honneur ». Ce sont des colonnades à l’air libre, entre lesquelles reposent, dans de somptueux sarcophages, ceux qui sont tombés pour la cause hitlérienne. Des soldats en armes veillent sur leur repos, jambes écartées, le fusil sur le cœur, dans une immobilité solennelle qui saisit. Personne ne passe sans s’arrêter, sans monter les marches d’un des temples, sans s’incliner devant ce soldat vivant et les morts tombés en soldats. Honneur et valeur militaires sont autrement accessibles que la moindre pensée de Gœthe.

En la préférant, je ne diminue pas le régime hitlérien. M. Rimmermann a dû m’en grossir les résultats ; mais en faisant la part des outrances de l’amour, je constate encore des acquisitions.

— La plus importante, m’a-t-il dit maintes fois, c’est l’union des classes… bien plus profonde qu’en Italie, parce que l’Allemand pense plus profond !

Sur des propos de ce genre j’avais toujours