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ALLEMAGNE

contraire des Allemands… si peu libres qu’ils ne conçoivent même pas le besoin de l’être ! Ils vont jusqu’à dire, avec un air d’occuper le sommet du bonheur, qu’Hitler leur a donné la liberté qu’ils désiraient : celle de vivre en commun !

Ce n’est pas cette vie qui affinera leurs mœurs. Que leurs femmes soient moins ridicules qu’avant guerre, qu’elles s’habillent en suivant de près des modes françaises, ce n’est pas une preuve de goût, mais d’imitation. C’est par le manque de goût qu’ils restent originaux.

D’ailleurs, le régime n’est pas né dans la beauté. Il est sorti d’une brasserie, à Munich. Pots de bière, fumée, voilà la mise en scène. Des buveurs, convaincus que leur race est la première du monde, et le juif le rebut de l’humanité, voilà pour les figurants. J’ai vu la brasserie, qui s’appelle Toni Gröbner. Elle est peinte en noir et sent le cigare refroidi. Au fond, une alcôve, où président maintenant les portraits d’Hitler et de ses lieutenants. Simples photographies, sans mystère, sans esprit. C’est là, qu’ensemble, ces hommes ont assemblé des lieux communs, mais décidé avec vigueur d’en faire des réalités. Un petit fonctionnaire enflammé, hitlérien de la première heure, M. Rimmermann, m’accompagnait dans ma visite ; il ne brûlait pas d’un feu