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CHRONIQUE D’UN TEMPS TROUBLÉ

aussi maladroitement l’un que l’autre. En somme, j’étais confus ; l’abbé aussi. Quelle histoire !… et quelle lettre je vous inflige ! Mais tout se tient, chère amie. Si je n’avais pas été à Pont-sur-Indre, je n’aurais pas eu cette crise à Paris. Si je n’avais pas subi Cafaret, j’aurais laissé ce prêtre à la mollesse de son sacerdoce ennuyé. Ne pouvant « causer » avec le premier, j’ai voulu « causer » avec le second. Toujours cette manie, cette tentation, cette prétention ! Je ferais mieux…

Je n’ai pas fini ma phrase : on m’appelait au téléphone. Saint-Remy !… Devinez ce qu’il me demande ? De partir pour l’Allemagne, en voyage d’études ; et d’essayer… d’aller causer avec eux, là-bas. Ah ! le destin est le plus fort ; on n’échappe pas à son destin ! Je l’ai senti… je viens d’accepter ! Voici vingt ans, bientôt, qu’on ne s’est pas battu. Voici vingt ans qu’on parle tous les jours de se rebattre. Il n’y a pas eu un printemps, un été libre de cette angoisse. Que croire ? Qui croire ? Je pars… et je ferme ma lettre, pour préparer ma valise. À bientôt, chère Hélène. Je vous écrirai de l’autre côté du Rhin.