Page:René Benjamin - Chronique d’un temps troublé, 1938.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
118
CHRONIQUE D’UN TEMPS TROUBLÉ

Vienne, venait d’arriver. Il me le présenta avec une évidente satisfaction. Ce Bourdelange arrivait de Marseille, où il avait parlé la veille. Il devait être le lendemain à Roubaix. Il avait trouvé le moyen de venir dîner à Pont-sur-Indre.

— Celui-là est un ami, dit Saint-Remy, un ami véritable ! Nous relirons, ce soir, ensemble les Deux Pigeons !

Je fus tout de suite surpris que Saint-Remy manifestât tant de prévenances à ce parlementaire franchement commun. Mais… il avait peut-être besoin de lui !…

— Dès que le B. B. R., dit Saint-Remy, sera paru, nous aurons, grâce à Bourdelange, une clientèle patriotique de premier ordre !

— Quand paraîtra-t-il ! soupirai-je.

— Ah ! Vous n’avez pas réussi ? dit vivement Saint-Remy. Eh bien ! j’en suis presque heureux ! Une concession trop rapide de l’adversaire ne laisse plus de place à son amour-propre, qui étouffe et prend sa revanche. Il vaut bien mieux qu’il se satisfasse d’abord. Et demain ou après-demain, il se rendra !

— Il est admirable d’optimisme, dis-je en regardant Bourdelange, et c’est pour cela que je l’aime !

— Je suis comme Bourdelange, dit Saint-Remy qui lui mit la main sur l’épaule. Je crois en dépit de tout !