Page:René Benjamin - Chronique d’un temps troublé, 1938.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
117
RELIGIONS

retirer le propos que vous venez de dire !

Le lieutenant avait rougi d’indignation. Brutedeveau, qui était blême, balbutia, tourné vers moi :

— Vous voyez ce qu’on devient à fréquenter les armes !

— Bien ! dit le lieutenant, je ne vous ferai pas l’honneur de vous gifler en uniforme. J’habite cette maison. Le temps de passer un vêtement aussi laid que le vôtre, je reviens et vous casse la gueule. Si vous êtes un homme, vous saurez m’attendre !

Je le vis courir et entrer chez Saint-Remy : était-ce son fils ? Je demeurai stupéfait, quand l’autre dit, le plus naturellement du monde :

— On ne peut empêcher les loups de vouloir mordre, ni les officiers de vouloir tuer. Salut, monsieur ! Je vais prendre mon train.

Je me précipitai chez Saint-Remy. Le lieutenant appelait, demandait un pantalon, un veston.

— Il est parti, criai-je, il est à la gare !

L’autre apparut, déshabillé, dans l’escalier :

— C’est honteux, fit-il, honteux !

Saint-Remy sortait de son bureau. On lui expliqua l’incident. Il dit dans un sourire :

— Calmez-vous ! Tout s’arrangera. Ne brouillons pas les cartes ; vous verrez que nous gagnerons !

M. Bourdelange, député de la Basse-