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CHRONIQUE D’UN TEMPS TROUBLÉ

dans l’attente et le calcul. Je ne vis nettement tout cela qu’après ; mais je le devinai d’abord, je l’admis à priori, je le négligeai volontairement. J’ai déjà regardé des araignées en face ; je crois qu’elles s’arrêtent de tisser leurs toiles ; je regardai Cafaret. Je ne pris pas de détours, j’allai droit au but ; mon plaisir est de marcher dans la clarté, je m’en tins à mon plaisir ; j’exposai tout bonnement l’affaire.

— Oué…

C’est tout ce que consentit à émettre Cafaret, lorsque j’eus terminé. Après quoi, un temps s’écoula. Puis, il répéta ce grognement, frotta ses mains, prit deux ou trois positions sur sa chaise, et se décida enfin à insinuer :

— Personnellement, je n’approuve pas la conduite tenue à votre égard. Je l’ai laissé entendre…

— Ah ? Où et comment ? demandai-je.

— Dans des notes, que je transmets au Comité Central, fit le bonhomme, en prenant une pose avantageuse.

— Ces notes, lui dis-je, peut-on les voir ?

— Il faudrait faire partie de la Ligue, dit Cafaret.

J’eus l’impression qu’il allait me passer un bulletin de souscription.

— Mais, repris-je, fort de ces notes, vous pouvez en rappeler le contenu à… je ne sais plus son nom.