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CHRONIQUE D’UN TEMPS TROUBLÉ

Saint-Remy arrange tout par un flot de paroles où on entend : « Vieille terre… Touchant passé !… Ah ! ce vieux Pont-sur-Indre ! »

En face du maréchal-ferrant, à l’angle de la route qui monte à la gare, il habite la « vieille maison de ses pères ». Il n’a eu, bien entendu, qu’un père, ayant eu une honnête mère, mais il désigne ainsi celui à qui il doit la vie, qui a été médecin trente-cinq ans dans ce trou mortel… où on ne meurt pas assez, et son grand-père, qui a construit la maison. Elle porte, au-dessus de la porte, 1850, et elle est pauvrement bourgeoise. Un perron moitié pierre, moitié briques, une marquise en verre et fer. Médiocre de matière et de forme, et menant la vie morose qu’ont toutes les demeures ratées, entre trois sapins noirs, qui, l’hiver ne rappellent pas l’été, mais l’été font souvenir de l’hiver. Derrière la maison s’étend un potager mal entretenu, où les rosiers sont dévorés de gourmands et les salades montées en graines, mais Saint-Remy m’a dit :

— Quelques fleurs… Des légumes… Un passage d’abeilles… C’est la vie du vieillard de Tarente !

Je n’ai vu aucun rapport entre ces mots et la réalité. Il a bien le droit, cet homme, d’être plus poète que moi !

Par une porte vermoulue, au fond du