Page:René Benjamin - Chronique d’un temps troublé, 1938.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
101
LE SALUT ?

Que le lecteur, si possible, ait l’impression d’entendre la France elle-même parler.

— C’est très beau comme idée, lui dis-je. Mais vous…

Je n’eus pas le temps d’achever : le téléphone ! De désespoir, je pris ma tête dans mes mains. Avec beaucoup de sérénité Saint-Remy parlait déjà. J’entendis : « Oui, monsieur le Président… Certainement, monsieur le Président. » C’est un titre que portent la moitié des Français. Je n’ai pas su qui parlait. Quand Saint-Remy eut terminé, il me dit :

— Il paraît qu’avant quinze jours, les États-Unis seront en guerre avec le Japon. Tant pis !

— Ce n’est pas cela qui détruira les téléphones chez nous, dis-je avec humeur.

— Cette conversation hachée vous horripile ? Allons la finir dehors, me dit Saint-Remy.

Je protestai, m’excusai, mais je crois que c’est lui qui était enchanté de prendre l’air.

— Vous le voyez, me dit-il, sans paraître accablé le moins du monde, j’ai une besogne écrasante, et l’idée de votre collaboration est un baume sur mes plaies. Il faut que j’organise une élite départementale. Il faudrait que j’aille tâter le pouls de l’Allemagne. Il faut que je prépare une revue qui sera une vibration nationale. Et c’est loin d’être