Page:Remy - Les ceux de chez nous, vol 7, Mal de dents, 1916.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.

doucemint d’laute costé, qu’elle dit toujours ma tante.

Oui, comme ça, je peux bien faire courir ma soupe du côté que j’n’ai pas mal. Mais justement que ces deux jours-là on a mangé de la kasmatroye et j’aime tant la kasmatroye qu’il me plaît d’en avoir. Alors pour rattraper les autres, je happe des grosses bouchées et il y a toujours un morceau de bouli ou un oignon rôti qui va se mettre dans le mauvais dent et je crie un coup que tout le monde rie.

Et c’est surtout à cause de ça, parce que j’aime de manger des bonnes affaires et que je ne veux pas qu’on me couyonne que j’ai été pour faire arracher mon dent.

Nous y avons été dimanche, après la basse messe, avec mon oncle et moi. C’est pendant la messe, que nous avons resté devant l’église sans entrer, pour parler tout bas avec les hommes qui ôtent leur casquette et font semblant d’écouter le curé qui est bien loin et on ne l’entend pas et on ne voit rien et les hommes, avec les bras croisés, se penchent de temps en temps, au-dessus des manches gonflées de leur nouveau sâro pour cracher un gros rèchon qui fait pluik en tombant, et moi je crachais aussi, mais pas pour faire l’homme, mais parce que mon dent enrageait.

C’est le houlé Lovinfosse qui a dit à mon oncle qu’il fallait aller chez l’arracheur de dents, qui a mis une plaque avec sans douleur sur le mur du cimetière, et qu’il connaît un homme qui y a été et que ça ne coûte qu’un franc.