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faire ça loin, afin qu’on ne le sache pas et que le garde-champette ne vienne pas empêcher qu’on fasse batte. J’ai bon parce que je m’rafie de voir batte, mais j’ai un peu peur parce que je ne sais pas quoi est-ce. Et puis, Vix-Jean marche toujours sans rien dire, avec une figure comme quand ses chevaux ne veulent pas écouter.

A la creuh-leye Vove, il y a une vieille croix verte qui n’est plus droite, un tout petit bon Diu noir et un gros teutait dessus. Il y a une petite ferme un peu plus loin, on voit des bâtiments mêlés, sans fenêtres, c’est des écuries et tout ce qu’il faut.

Nous entrons. C’est une ferme, mais on vend aussi la goutte comme quand on reste assez longtemps sans voir une maison ; alors comme il n’y a pas des cabarets assez, on peut avoir une goutte ou un pintai dans les petites fermes, au bord des routes.

Tout le monde est debout dans la place et on tient chacun un hèna qui laisse tomber la moitié à terre, parce que les hommes font toujours tout plein des gestes avec leur hèna ou leur frèsé pour s’expliquer. Vix-Jean a crié : Tapez n’toarneye ! en entrant ; c’est par politesse qu’il dit ça, et l’homme de la ferme a dit : Awet, so l’côp. Et eune di doux po li p’tit èdon ! Un peu après, il fait le tour avec un grand plateau où il y a toutes les gouttes dessus, qui tremblent, et le pèquet qui coule de tous les côtés parce que l’homme n’est pas un vrai cabaretier et qu’il en met trop pour faire l’honnête. Il pousse son plateau trop haut, dans le nez des hommes, en disant :

— S’i v’plaît, mècheux !