Page:Remy - Les ceux de chez nous, vol 12, Batte les coqs, 1916.djvu/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maîte, que tout le monde regarde alors.

Les deux pauvres coqs sautent tout le temps, ils sont tout déchirés et pleins de sang qui colle leurs plumes et tout autour c’est comme s’il y avait un peu de neige avec des taches rouges. Ils n’ont plus une figure de coq, tellement ça saigne, et des morceaux de tête qui pendent, et ils continuent à se donner, sans plus pouvoir les parer, des coups de bec comme avec un pic. Ça commence à me dégoûter à c’t’heure. Et voilà que tout d’un coup le Gris s’accroupit comme s’il voulait pondre un œuf et il laisse tomber sa tête en fermant ses yeux déplaqués de sang.

Fotous, vos autes, qu’une voix crie.

Halte, nin co, il n’a nin brait, qu’on répond.

Oui… mais… non, dit alors Monsieur Lucas Gardedieu, en avançant ses bras pour arrêter tout.

Taihîz-ve turtos, commande le houlé Lovinfosse, c’est mi l’maisse del djowe, èdon, on va compter l’timps qui fât.

Et pendant qu’il calcule avec sa montre, le fôrgeu Blaise parle à son coq comme à un enfant malade, avec une petite voix :

Habeye don, mi p’tit binamé Gris, sâye co n’feye, po m’fer plaisir ; ni t’lais nin aller ainsi, djan don, co on pau d’corège, va, et nos estans les maisses.

Et le pauvre coq a rouvert son œil du côté qu’on lui parle, il relève un p’tit peu sa tête, son corps tremble, et il se laisse raller, il ne peut plus.

Pierdou, vos avez pierdou, crie Lovinfosse d’une voix de maître. Le Flori, plein