Page:Remy - Les ceux de chez nous, vol 12, Batte les coqs, 1916.djvu/10

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fermier passe avec un plateau de verres rouge-clair, et ça a l’air bon. Nous prenons et l’homme me regarde si drollement :

Fât qu’apprinse, èdon, dit Vix-Jean ; buvans à gins, dit-il à moi, et nous avalons la moitié seulement. Moi, il me semble que c’est une grosse pierre chaude qui court dans mon estomac. Il m’faut respirer vite pour refroidir le tuilleau de ma gorge, mais après, j’ai un peu bon, comme si on me chatouillait dans mes veines, et je ris un peu tout seul. Vix-Jean est content.

Mais voilà qu’on voit deux hommes avec Lovinfosse, qui fait toujours le capâpe et le malin tout près de la treille. Ils portent chacun un gros coq sur leur main qu’ils ont poussé par en-dessous, par devant, entre les pattes du coq qui reste bien tranquille sans tâcher de se sauver. Le coq de Blaise, le fôrgeu, est gris-clair, avec des plumes blanches mêlées, et celui de Jean-Louis, le marchand de sabots qu’on appelle toujours Mostâte, parce que le dimanche il est habillé jaune toujours ; son coq est un Flori avec un peu de toutes les couleurs.

Hallait ! crie Lovinfosse, on k’mince. Et les deux coqs que leurs maîtres caressaient sur le dos sont mis dans la treille. Ils ne se voient pas d’abord, ou bien ils font semblant. Mais le Flori tourne sa tête, il regarde l’autre, et il vient au milieu de la treille ; toutes les plumes de son cou sont maintenant toutes droites, il a l’air d’avoir poussé sa tête dans un rond de papier qui lui collerait, il laisse pendre ses ailes comme quand il tourne près d’une poule pour la