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café, parce que je la déteste et je ne voulais pas parler devant elle, mais il lui plaît, paraît, de savoir et elle reste là, à sawirer, avec ses mains sur ses genoux. On reste bien longtemps sans dire un mot.

Je m’embête, mais il m’ faut pourtant bien avoir l’argent de mes pâques, est-ce pas ? Alors je compte tout bas jusqu’à vingt, puis je fais une petite voix toute fine :

— Pârain, que je dis, tout plein des compliments de chez nous. Aujourd’hui, j’ai justement fait mes pâques, cher pârain, et...

Awet, cher pârain, vormint, dit-il en parlant comme moi pour se moquer, mais il grogne déjà. Je n’en peux rien, moi.

Vos v’nez po l’pèce, èdon ? dit-il en se levant. Et il prend dans sa poche une bourse de cuir comme une blake à tabac, il la fait détourner autour des cordons et avec la pointe de ses doigts, par en-dessous, il pousse comme pour la retourner comme une moulette quand on veut de la préseure.

—- Nos savîz si bin qu’il ne mâquereut nin d’aroufler po les censes, dai. Edon, Génie, nos l’avix co dit l’aute joû ?

Et pendant que Génie me fixe en remuant sa tête comme pour me blâmer, mon pârain s’a retourné contre le mur pour qu’on ne voie pas ce qu’il y a dans sa bourse. Puis tout d’un coup je vois son poing fermé qui vient derrière son dos, tout près de moi, et il crie très fort comme un homme fort fâché :

Tinez, prindez coula et corez èvoye.

Je mets ma main à son gros poing et je sens qu’il me pousse la pièce et qu’il referme ma main dessus, si fort que je pleurerais bien,