pere, & celui-ci après avoir enterré
ſa femme & tous ſes enfans, reſtoit
lui-même ſans ſepulture. Extrêmité ſi
cruelle, que pour l’éviter, un Payſan
fit une action qui ſurpaſſoit les
forces de la nature : étant reſté ſeul
avec ſa femme, & tous deux pris du
même mal, voyant qu’ils n’avoient
point de ſepulture, s’ils venoient à
mourir, dès le premier jour de la
maladie le mari fit deux foſſes, une
pour chacun, & quelques jours après
ſentant ſes forces s’affoiblir, il dit
le dernier adieu à ſa femme, un peu
moins accablée du mal, & ſe traînant
juſques à la foſſe, il s’y laiſſa
tomber, & après s’être enſeveli tout
vivant, il rendit l’ame au milieu des
horreurs du tombeau. A ce trait,
ajoûtons celui d’une Payſane, qui
joignit à une fermeté auſſi rare une
tendreſſe pour ſon mari encore plus
rare, l’une & l’autre d’autant plus
admirables dans une femme de cette
condition, que ces ſortes de perſonnes
ſemblent par leur ſexe & par leur
état être condamnées à la mediocrité.
Cette femme ayant toûjours refuſé
les ſecours de ſon mari pendant ſa
Page:Relation historique de la peste de Marseille en 1720, 1721.djvu/242
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
224
Relation Hiſtorique