toient des enfans que des parens inhumains,
en qui la frayeur du mal
étouffoit tous les ſentimens de la nature,
mettoient dehors, & ne leur
donnoient pour tout couvert qu’un
vieux haillon, devenant par cette dureté
barbare les meurtriers de ceux à
qui peu auparavant ils ſe glorifioient
d’avoir donné la vie. Tous ces malades
n’emportoient de leurs maiſons qu’une
cruche, une écuelle, & quelque
vieille couverture. Dans ce triſte équipage,
ils ſe traînoient auſſi loin
qu’ils pouvoient ; les uns après quelques
pas tomboient tout à coup, &
ſuccomboient aux premiers efforts :
d’autres s’arrêtoient, dès qu’ils ſentoient
les forces défaillir, & ſe relevant
enſuite, ils alloient par repriſe
au lieu deſtiné. La plûpart s’eſtimoient
heureux, quand ils pouvoient
faire leur lit ſur les degrés d’une porte,
ſur un banc de pierre, dans l’enfoncement
d’une boutique, ou à l’abri
d’un auvant : cependant qui le
croiroit ? on Leur ôtoit encore cet aſile.
Tout le monde craint les aproches
d’un peſtiferé, chacun veut l’éloigner
de ſa maiſon ; & pour leur ôter
Page:Relation historique de la peste de Marseille en 1720, 1721.djvu/172
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
154
Relation Hiſtorique