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soit pour vaincre et repousser les ennemis, soit pour les forcer à embrasser l’Islamisme ou à payer tribut[1] ; mais s’il y a quelque espérance fondée de les contraindre à l’une ou à l’autre de ces deux choses, il ne peut conclure que des trèves de quatre mois, ou d’une année selon quelques docteurs, ou de dix ans selon d’autres. Il y en a même qui pensent que la durée de la trève ne se règle que d’après la volonté du Prince.

Si dans la convention de la trève ou de la paix, ainsi que s’expriment les Musulmans (et, en effet, ces trèves qu’ils concluent sont des espèces de paix limitées à un certain laps de temps), il existe des conditions illicites, comme, par exemple, que les Musulmans ne pourront exiger la remise de leurs biens et de leurs prisonniers ; que les Chrétiens habitant ou devant habiter à l’avenir le territoire musulman, paieront un tribut de moins d’un dinâr ; qu’ils seront libres de boire du vin et de manger de la chair de porc ; qu’ils pourront demeurer et s’établir dans la province de l’Arabie appelée le hedjaz, ou, enfin, entrer et mettre le pied sur le territoire de la Mecque, cette convention est regardée comme nulle. Ainsi, lorsque les Sultans turcs accordent aux marchands chrétiens la liberté de voyager et de commercer dans toute l’étendue de leur Empire, comme fit le sultan Ahmed, fils de Mahomet, par le traité de paix conclu avec Henri IV, roi de France en 1604, le territoire de la Mecque est toujours tacitement excepté. Toutefois l’on peut dire que la Mecque, où commande un schérif, ne fait pas proprement partie de l’Empire turc ; car ce schérif a pleine autorité, et le Sultan ne prend pas le titre de souverain de la Mecque et Médine, mais de protecteur de ces deux villes.

Certains docteurs permettent de donner quelque chose pour obtenir la paix, si l’on ne peut l’obtenir autrement ; mais l’opinion commune est que l’on ne doit rien donner. Néanmoins il est permis de racheter les captifs musulmans lorsque les ennemis les traitent avec trop de rigueur, et même de s’engager à payer une certaine somme pour obtenir un libre passage, lorsqu’on se trouve tellement assiégé, tellement serré de près par l’ennemi, qu’il ne reste aucun moyen de se dégager.

  1. Telle est la règle, en effet ; aussi Mouradgea d’Ohsson, dit-il fort justement : « Les empereurs de Byzance ne purent jamais obtenir que des armistices de la part des Khalifes et des autres princes de l’Asie. Le même principe fut long-tems suivi par les Othomans et il fallut une continuité de revers pour les déterminer à conclure des traités de paix perpétuelle. »

    V. Tabl. de l’Emp. othom. T. 5, p. 66.