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MES SOUVENIRS

qui était alors ministre de France à Munich, donnait à ce sujet de sérieux avertissements au ministère des affaires étrangères. « Je connais l’Orient, disait-il, et je puis vous affirmer que la Russie ne cédera pas. C’est pour elle une question de vie ou de mort, et il est à désirer qu’on le sache bien à Paris, si l’on veut pousser l’affaire jusqu’au bout. »

Il le répétait avec plus de force encore en 1853 : « En dépit de l’Univers, écrivait-il le 24 avril, le vent des croisades ne souffle même pas à Rome, et, excepté les Pères latins de Jérusalem, personne, il faut bien le dire, ne songe aux Lieux Saints. Dans une pareille situation, le plus sage est de rentrer de nos voiles et de ne pas risquer la tempête. Cette épine hors du pied, nous ne serons plus seuls et, dans les choses d’un ordre vraiment politique, nous aurons raison de la Russie. »

À Constantinople, la diplomatie française et la diplomatie russe étaient en présence, luttant sur un terrain où tous les moyens sont bons et où notre grande loyauté risquait d’avoir le dessous. Chaque jour, le conflit devenait plus acerbe, ce qui n’empêchait pas mon chef, le général de Castelbajac, personnellement très bien accueilli par le Tzar, de se montrer des plus optimistes. M’apercevant que le bon général se laissait prendre aux caresses de l’em-