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CHAPITRE PREMIER

dissements de toute la salle, car le public avait appris ce qui venait de lui arriver de si désagréable dans la journée, et on lui fit une ovation.

L’Empereur, après la représentation, demanda, ainsi que l’Impératrice, à voir Vernet ; il voulait avoir de sa bouche même les détails de son aventure ; l’Empereur s’excusa et lui dit : « Mon cher Vernet, comment vous faire oublier l’ennuyeux accident d’aujourd’hui ? » — « Mais, Sire, votre bonté est si grande que vous me comblez déjà. J’en suis si touché qu’elle me suffit amplement pour ne plus penser à ce qui s’est passé ; je n’ai rien à demander à Votre Majesté. » L’Empereur ayant insisté de nouveau, Vernet répondit : « Enfin, Sire, puisque vous voulez absolument que je vous demande une faveur… » — « Oui certainement », interrompit l’Empereur. — « Eh bien ! » dit d’un accent spirituel et en riant l’excellent Vernet, « voici ce que je sollicite respectueusement de Votre Majesté, c’est qu’Elle veuille bien m’accorder la faveur de ne plus m’adresser la parole lorsqu’Elle me rencontrera dans la rue ! » Et là-dessus, l’Empereur, l’Impératrice et toute la famille impériale se mirent à rire de tout cœur de cette plaisanterie. « Ah ! ce Vernet, ajouta l’Empereur, qu’il est drôle ! Venez demain me voir au Palais d’hiver à midi, et là vous n’aurez plus à craindre les