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MES SOUVENIRS

heures après, et il n’eut que le temps de remettre la chaîne à son frère, venu pour la recueillir. Cette chaîne merveilleuse, transmise à chaque génération au chef de famille et fidèlement portée par lui, existait encore en 1852 ; elle était en la possession du comte Axit Piper, habitant son château patrimonial d’Engro.

Les récits merveilleux ont grand succès à Saint-Pétersbourg. À en croire la chronique, ce serait la ville des fantômes et des apparitions. On racontait comme s’étant passée tout récemment, à quelques verstes de la capitale, une aventure arrivée à deux frères, l’un très riche et très avare, l’autre très pauvre. Le pauvre étant mort, sa veuve alla demander à son beau-frère des vêtements pour ensevelir convenablement son mari. Elle essuya un refus, mais secrètement la femme de l’avare, touchée de pitié, lui remit ce qu’elle désirait. Le mari, ayant appris cette libéralité, battit cruellement sa femme et courut chez son frère pour reprendre les vêtements dont il était déjà couvert. Au moment où il commençait à le dépouiller, la main du mort s’abattit sur son bras, sans qu’aucun effort pût dégager l’avare épouvanté. On le nourrit ainsi à côté du cadavre de son frère : les prêtres russes firent défiler la foule dans la chambre mortuaire pour que cet exemple servît à donner