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MES SOUVENIRS

plus grandes capacités du pays. Il semblerait donc devoir être entièrement conservateur par sa nature et avoir l’indépendance nécessaire pour remplir le rôle indiqué par son institution même. Je suis loin de prétendre que ce corps n’ait pas rendu des services, mais en général il a le défaut de viser toujours aux termes moyens. Au lieu de rejeter dans leur ensemble telle et telle loi que la Chambre des députés a votées sous l’influence du parti révolutionnaire, il ne s’attache qu’à en atténuer la force ou la signification. Il n’ose pas porter la cognée à la racine même du mal et se contente d’employer des palliatifs quand il devrait appliquer les spécifiques. Cette timidité a plusieurs causes. Parmi les sénateurs, ceux qui, par leur nom, leur fortune, leurs antécédents, pourraient acquérir une influence prépondérante auprès de leurs collègues, se tiennent généralement à l’écart ou participent bien peu aux travaux de la Chambre. Les uns sont affaiblis par l’âge, d’autres sont trop compromis vis-à-vis de tel ou tel parti pour pouvoir les dominer tous. Ceux-ci sont fonctionnaires publics et craignent de compromettre leur position par des actes d’indépendance ; ceux-là sont arrêtés dans leurs bonnes intentions par la frayeur que leur inspirent les sarcasmes de la presse aujourd’hui libre de tout dire. Enfin, dans les cas où toutes ces causes réu-