Page:Reiset - Mes souvenirs, tome 2.djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
298
MES SOUVENIRS

l’avenir. Avec son ancienne indifférence, je dirais presque son aversion pour les affaires publiques, le Roi a repris ses vieilles habitudes comme homme privé. Partageant son affection entre sa double famille, ce n’est pas la partie légitime qui semble en avoir la meilleure part. Son ancienne maîtresse Rosine Vercellana a su garder son empire sur le cœur du Roi au milieu des ébranlements qui auraient dû le détruire. C’est auprès d’elle qu’il passe autant que possible la majeure partie de son temps. Comme elle le suit partout, comme elle a un logement partout où il est, elle n’a pas à craindre les effets de la séparation, et quant aux influences qui lui sont contraires, elles sont annihilées par l’influence bien plus grande qu’elle possède elle-même. À part le lien de deux enfants issus de leurs relations, — un garçon et une fille, âgés de six et sept ans, et qui sont, dit-on, d’une grande beauté, — on ne comprend pas que le Roi, qui a toujours été assez léger et frivole en amour, aimant surtout le changement, se soit ainsi attaché à elle. Fille d’un ancien tambour-major qui a servi dans l’armée française et qui fait aujourd’hui partie de la garde du corps, composée exclusivement de vieux sous-officiers, Rosine (c’est le seul nom qu’on lui donne ici) avait déjà gagné le cœur du Roi longtemps avant qu’il montât sur le trône. Pendant la campagne