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MES SOUVENIRS

allez-vous ? Que faites-vous ? Où vous trimbalez-vous ainsi ? » Ces dames eurent grande frayeur de lui et s’enfuirent sans répondre, bien étonnées du peu d’amabilité de l’Empereur, d’ordinaire si poli avec elles.

Le soir, l’Empereur, les ayant revues, leur demanda pardon de son emportement du matin : « Ah ! dit-il, il ne faut pas m’en vouloir. Je suis si triste, si malheureux, si agacé de tout ce qui arrive, que quelquefois je m’emporte plus loin que je ne le voudrais. »

M. Dumée, ancien chancelier de l’ambassade de France, resté à Pétersbourg pendant la guerre, m’envoya le texte du curieux discours prononcé par l’empereur Alexandre au conseil de l’Empire après la mort de son père ; le voici :

« Dans un temps de graves épreuves, un nouveau malheur nous arrive. Nous sommes privés du Père, du Bienfaiteur de toutes les Russies. Feu l’Empereur, mon père, d’impérissable mémoire, aimait la Russie, et pendant toute sa vie il n’a continuellement pensé qu’à son bien-être. Chacune de ses actions, chacune de ses paroles n’avait qu’un seul et même but : le bien-être de la Russie. Dans ses travaux continuels et journaliers avec moi, il me disait : « Je veux prendre pour moi tout le désagréable et tout le difficile,