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CHAPITRE HUITIÈME

sonnes dont elle avait eu à se plaindre et cherchant des excuses à leur conduite.

Pendant que son convoi s’acheminait vers la Superga, on vint en toute hâte chercher une partie du clergé et de la cour pour accompagner le viatique qui allait être porté à la bonne reine Adélaïde. Depuis la nouvelle que son mari lui avait donnée tout à coup de la mort de la reine mère, les plus inquiétants symptômes s’étaient déclarés. Elle put voir encore sa fille, la princesse Clotilde, mais elle dut être ensuite séparée de ses enfants. Le lait lui était monté à la tête ; elle souffrait de douleurs telles que ses cheveux se hérissèrent : on n’entendait plus qu’un long gémissement. Victor-Emmanuel la soigna jour et nuit sans la quitter. Le spectacle de cette agonie était affreux. Cette jeune et belle reine, étendue sur un lit de camp qui remplaçait son grand lit d’apparat pour faciliter les soins qu’on lui prodiguait, gémissait à fendre le cœur. La respiration, toujours plus courte, cessa ; le Roi, au pied du lit, sanglotait tout haut. Le prince de Carignan voulut l’entraîner. Il se précipita de nouveau dans la chambre où, en rendant le dernier soupir, la Reine poussa à quelques minutes d’intervalle des cris si longs et si lugubres qu’ils semblaient sortir de terre. Tous les assistants pleuraient et restaient à genoux, saisis d’effroi et de douleur. Parmi