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CHAPITRE HUITIÈME

une vieille ville suédoise fortifiée, au delà de laquelle nous avons passé la Duna sur la glace. C’était un dimanche ; le fleuve gelé était le rendez-vous des promeneurs. Nous commencions à attirer l’attention. À Mittau, séjour de Louis XVIII pendant l’émigration de 1798 à 1809, plus de cent personnes nous entourèrent, curieuses de voir les secrétaires de l’ambassade de France que la guerre forçait de quitter la Russie. Nous laissâmes dans l’auberge, comme par mégarde, un journal français que nous avions emporté de Pétersbourg et qui annonçait avec détails la rupture des relations diplomatiques. Après de nouveaux accidents de voiture, nous passâmes la frontière le 27 février et nous arrivâmes à Tilsit à six heures du soir. Là encore la foule se pressa autour de nous, discutant avec animation les nouvelles de la guerre et les événements d’Orient.

Je quittais la Russie sans grand désir d’y retourner, fort satisfait cependant d’avoir pu étudier de près ce colosse du Nord, si longtemps l’arbitre des destinées de l’Europe. J’avais vu manœuvrer l’élite de l’armée russe sur la grande place, à côté du jardin d’été, et, comme le général de Lamoricière qui nous avait précédés en Russie, je pensais que nos petits soldats français viendraient à bout de ces grandes années si redoutées.