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MES SOUVENIRS

maréchal Magnan avait, à cause de son embonpoint, beaucoup de peine à le suivre. L’Empereur s’arrêta à plusieurs reprises en passant sur le front des troupes pour écouter les soldats qui faisaient signe de lui adresser une supplique.

J’attendais dans un salon du rez-de-chaussée avec le petit docteur Conneau, qui avait été son ami des mauvais jours et son compagnon de captivité à Ham. Je pris plaisir à faire raconter à cet excellent homme, d’un esprit très fin, quelques-uns de ses souvenirs. « L’Empereur, me dit-il, a une grande égalité de caractère. Je le connais depuis 1830 ; je ne l’ai jamais vu s’emporter, en aucune occasion. Sa douceur n’exclut pas une réelle fermeté Lorsqu’il a un reproche à adresser à quelqu’un, il le fait toujours avec calme et sans aigreur. Il va droit au fait, dit ce qu’il veut dire. Une seconde après, il paraît avoir oublié ce qui lui a été désagréable.

« Notre vie commune à Ham a duré six ans ; elle a été si calme, si silencieuse, si uniforme, que je n’en ai conservé aucune note écrite. J’ai fait une esquisse assez mal reproduite par la lithographie de notre chambre de travail. Mais les moindres détails de notre monotone existence sont présents à ma mémoire.

« L’Empereur a commencé dans sa prison de