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MES SOUVENIRS

avec le comte de Bylandt, grand chasseur à l’ours.

Nous étions donc bien loin de nous attendre à la scène inouïe dont ce diplomate, notre doyen, devait me rendre le témoin.

Un soir, après dîner chez le comte Woronzow-Daschkow, grand maître des cérémonies de l’empereur Nicolas, où j’avais été invité avec une partie du corps diplomatique et où se trouvait notamment le duc de Regina, ambassadeur de Naples, nous fûmes conduits par le très aimable maître de la maison dans un grand salon de son palais sur le quai de la Cour, lui servant de cabinet de travail. Plusieurs colonnes supportaient la voûte de cette vaste salle où on avait l’habitude de fumer en sortant de table. J’y arrivai un quart d’heure après les autres convives et j’allai m’asseoir avec quelques jeunes collègues sur un canapé à droite de la porte d’entrée, en partie masqué par une colonne. Nous prenions tranquillement notre café, lorsque la voix aigre de M. de Mollerus, dominant le bruit des conversations, vint me tirer de ma quiétude. Il parlait avec une extrême véhémence des derniers événements de France. Le nom de Napoléon, l’épithète d’usurpateur arrivaient jusqu’à moi. Ne m’ayant pas aperçu sans doute, M. de Mollerus déblatérait contre le nouvel empereur des Français avec une violence croissante. En vain lui faisait-on signe de se