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CHAPITRE CINQUIÈME

Ces ouvertures, tenues secrètes, furent reçues très froidement par le gouvernement anglais. Il répondit qu’il n’y avait pas à songer à la succession du malade, qu’il fallait, au contraire, s’efforcer de le faire vivre le plus longtemps possible.

C’est alors que partit pour Constantinople le prince Menschikoff avec une suite considérable. Ce choix n’indiquait pas des vues conciliantes. Tout le monde connaissait à Pétersbourg le franc-parler presque brutal du prince, que personne, pas même l’Empereur, n’intimidait. Le Tzar ayant nommé la femme du général Kleinmikel dame d’honneur de l’Impératrice, quoique sa naissance ne lui donnât pas de titres à cette dignité, demanda sans doute malignement au prince Menschikoff, qu’il savait l’ennemi du général Kleinmikel, ce qu’il en pensait. Celui-ci répondit à l’Empereur qu’il n’aurait pas pu mieux faire : « Je suis enchanté. Sire, avait-il ajouté, que vous ayez fait une dame d’honneur de la femme ; maintenant vous ferez sans doute un homme d’honneur du mari. »

Ses manières hautaines vis-à-vis des ministres du sultan, ses procédés outrageants pour le grand vizir, à l’audience duquel il se rendit non en uniforme, mais en petite tenue civile, témoignaient d’un parti pris de rupture. On ne pouvait plus douter des dis-