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MES SOUVENIRS

l’Autriche en intervenant contre les Hongrois révoltés. Le respect et la soumission que François-Joseph témoignait à l’empereur de Russie allaient jusqu’à l’oubli de sa propre dignité, et on racontait qu’à Vienne l’empereur d’Autriche, se croyant seul avec l’empereur Nicolas dans le salon qui divisait leurs deux chambres, baisa humblement la main de ce dernier au grand étonnement d’une tierce personne qui, sans être vue, assistait à leurs adieux. Le roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV subissait docilement l’ascendant de son puissant beau-frère.

Comme l’a dit M. Saint-René Taillandier[1], « l’amitié que l’empereur de Russie inspirait à Frédéric-Guillaume IV allait jusqu’à l’exaltation. » Il l’appelait « le plus grand, le plus saint des hommes ». En revanche, les sentiments qu’il éprouvait pour Napoléon III, « l’oiseau de proie récemment couronné », touchaient à la haine.

Nous savons, écrivait-il à son ambassadeur à Londres, que Louis-Napoléon a des engagements avec les chefs des partis révolutionnaires athées dans toute l’Europe. Mazzini, Kossuth et les autres étaient cachés à Paris ou dans les environs. Un signe de l’homme qui est la révolution incarnée mettra le feu

  1. Revue des Deux Mondes, 1er janvier 1874, « L’avènement du second Empire et la guerre de Crimée. »