Page:Reiset - Mes souvenirs, tome 2.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
103
CHAPITRE QUATRIÈME

gueil et de véritable bonté. Un jour, il passait incognito dans la perspective Nevsky, en drochky, lorsqu’une charmante petite fille de huit ans se suspendit derrière sa voiture, lui criant en russe sans le reconnaître : « Mon oncle, — c’est le nom que les enfants du peuple donnent aux hommes âges d’une condition supérieure, — prenez-moi dans votre drochky et conduisez-moi voir les baraques de la foire. » L’Empereur fit arrêter les chevaux, prit l’enfant près de lui et lui acheta à la foire un grand nombre de jouets.

« Maintenant que tu connais ton oncle, lui dit-il, allons voir ta tante. » Et il la conduisit à l’Impératrice, qui, charmée elle aussi de la bonne grâce de la petite fille, donna l’ordre de la faire élever à ses frais dans une des maisons d’éducation dont elle était la protectrice.

L’ascendant de Nicolas sur tous ceux qui l’approchaient était extrême. Le prince Émile de Sayn-Wittgenstein-Berlebourg écrivait à son père dans une lettre intime en 1852 :

« Chaque fois que l’Empereur me voit, il a quelque chose de bienveillant à me dire. C’est l’idéal d’un souverain comme il n’y en a plus, le type de tout ce qui est juste, chevaleresque, noble et énergique. C’est un honneur et un bonheur de le voir de