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MES SOUVENIRS

aucune démarche pour savoir ce qui se passait au Palais ducal. On se demandait s’ils paraîtraient au dîner, lorsque à six heures du soir ils arrivèrent, la reine habituellement si fraîche, pâle comme une morte et fagotée d’une manière incroyable par ses femmes. On voyait qu’elle s’était laissé habiller sans rien dire. Elle n’en était pas moins extrêmement belle, avec ses grands yeux si doux et si fiers à la fois et son port de reine. Le lendemain le roi de Naples alla faire des excursions aux environs de Gênes, et la reine restée seule reçut les dames de la cour avec un air très triste, mais causant fort aimablement, car elle avait l’esprit le plus fin et le plus délicat.

Au bout de quelques jours la cour de Naples s’embarqua sur l’escadre ; la reine, qui jusque-là avait gardé beaucoup de calme et d’aisance, fondit en larmes au moment de quitter son pays. Le roi et la reine de Sardaigne, ainsi que toute leur cour, l’avaient accompagnée à bord où elle fut reçue avec des cris d’enthousiasme. Aussi longtemps qu’on put apercevoir la frégate, on vit cette belle grande jeune femme agitant son mouchoir. En montant sur le vaisseau, le roi de Naples s’était retiré dans sa cabine, par délicatesse, il faut l’espérer, et pour ne pas troubler des adieux toujours douloureux. Arrivée