Page:Reiset - Mes souvenirs, tome 1.djvu/449

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
490
MES SOUVENIRS

fondément la princesse et je me retirai. Je trouvai le roi derrière une porte. Il me dit : « Vous dansez donc, Reiset ? — Et vous, Sire, vous ne dansez pas ? — Oh ! moi, je déteste le bal, et je ne comprends pas qu’on ait du plaisir à tourner comme cela. Cela me parait ridicule. » Je racontai à Victor-Emmanuel l’histoire d’un chef arabe qui, invité à un bal chez Louis-Philippe, lui demanda combien il payait pour faire danser tant de monde en sa présence. « Et la reine ? demandai-je. — Vous savez bien qu’elle est grosse, me répondit Victor-Emmanuel, et qu’elle n’est pas assez sotte pour danser. »

Le roi ne dissimulait pas son horreur pour tout ce qui était représentation et étiquette. Le 22 janvier, lendemain du bal du duc de Gênes, il y avait un grand dîner à la cour. D’Azeglio en était. Comme il détestait autant que le roi les réceptions d’apparat, il se mit à bâiller. Le roi s’en aperçut, et un moment après un valet de pied vint dire à l’oreille de d’Azeglio : « Sa Majesté désire savoir si Son Excellence M. le président du Conseil s’amuse. — Répondez à Sa Majesté que je m’embête. » Quand il eut reçu cette réponse, Victor-Emmanuel envoya par le même valet un dernier message à d’Azeglio : « Va dire à Son Excellence M. le président du Conseil que je m’embête bien plus que lui. »