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MES SOUVENIRS

choses : du monde, des théâtres, de la politique, et j’avais fini par être assez libre avec lui pour lui dire franchement tout ce que je trouvais de bien ou de mal dans ce qu’il me disait. Ma franchise ne lui déplaisait pas et j’ai été plusieurs fois à même d’aider Massimo d’Azeglio lorsqu’il devint premier ministre à obtenir du roi ce qu’il désirait pour le bien du pays.

Victor-Emmanuel m’a souvent dit qu’il avait une grande affection pour moi, et j’avoue que je n’y ai jamais compté. Je serais bien embarrassé de faire un portrait exact du roi Victor-Emmanuel. Il était d’un caractère égoïste et pendant les longues années que j’ai passées à Turin je ne l’ai jamais vu faire une générosité. Peut-être cependant était-il quelquefois prodigue vis-à-vis de ses maîtresses pendant que sa passion éphémère était en jeu. La grande qualité qu’on ne lui contestera jamais était son courage militaire. Il allait au feu sans y penser, le sang guerrier de ses ancêtres semblait bouillir dans ses veines. Il aimait les femmes, et tous ses enfants sans jamais être bien tendre. C’était un homme matériel. Lorsque je le quittai après quatre ans de séjour à Turin pour aller occuper le poste de premier secrétaire d’ambassade à Saint-Pétersbourg, il m’embrassa avec effusion et en me